Bon, faut te dire que ce bébé n'était
pas vraiment décidé à sortir...
Déjà, moi j'étais née 3
jours après terme (on va causer technique, on dit 41+3 because 41
semaines = terme théorique de la grossesse + 3 jours), l'Héritier
aussi.
Mais je m'étais consciencieusement
retourné le cerveau à coup d'auto-culpabilisation que je maîtrise
quand même comme personne, en me disant que c'est ma faute si j'ai
accouché aussi tardivement, c'est parce que j'avais peur de devenir
mère, je l'ai empêché de sortir, ceci cela.
Bref, cherchez pas
qui a tué Kennedy, j'avoue.
La guerre en Irak c'était moi aussi.
Là, autant vous dire qu'après 5 ans
d'analyse dont 1 an ½ en binôme avec un 2è psy en plus de
l'analyste (oui, je prends soin de mes névroses, les bichonne, les
travaille,....), je me suis dit que là j'avais fait mon taf, que
obligé j'allais accoucher avant pour celui-là puisque j'ai réglé
mes casseroles, et que je m'étais convaincue que mon accouchement
post terme était « de ma faute », je me voyais bien
accoucher 10/15 jours avant terme.
(Oui vous pouvez rire, vous la
voyez déjà venir la suite)
On s'était organisés un accouchement
à domicile une fois de plus, histoire d'être peinards, pis pour
tout vous dire, les 5 jours de soins intensifs nénonatalogiques que
s'est cognés l'Héritier suite à une infection nosocomiale nous ont
bien calmés de la sécurité hospitalière.
Et le temps passait...
Terme théorique 1er mars, je rentre
pas dans les détails techniques et autres que ni toi ni personne n'a
envie de savoir, mais j'étais certaine de la date du terme, aucun
décalage possible, au point que quand l'échographe à la première
échographie m'a affirmé que j'étais à 12+2 et non 11+6, j'ai fait
modifier la déclaration de grossesse après coup, j'étais à 11+6,
que sa machine le valide ou non.
Bon, je te prends pas la tête avec du
suspense hitchcockien, il était pas né le 1er mars.
Je me suis
retrouvée un peu bête, à ne pas comprendre pourquoi j'étais
encore enceinte, sur le papier ça devait pas se passer comme ça.
Pis
j'en avais un peu marre. Pis j'avais mal. Fatiguée, essoufflée, un
ventre de malade, des vergetures-leurs-mères-les-putes-borgnes qui
m'avaient été épargnées pour l'Héritier (coup de bol elles sont
peu nombreuses et déjà quasiment blanches), il était temps.
La
sage-femme me suivait jusqu'à 42 semaines, soit J+7. Ce qui tombait
un samedi. Le protocole de l'hôpital prévoir de déclencher à 42
semaines, bonne synchronisation dans l'absolu. Sauf que... Sauf que
je prévois pas d'accoucher dans mon pieu depuis 9 mois pour aller
expulser de force mon lardon pas prêt à sortir dans une salle
d'hôpital, bordel !
Déjà, ce qui est bien, c'est que
l'hôpital s'est planté de date, ils m'ont fait gagner un jour, ça
repousse le déclenchement au dimanche. C'est pas le Pérou mais
c'est mieux que rien. Et aussi que face à la perfection des
contrôles post terme, ils ont accepté de décaler le déclenchement
d'un jour de plus (soit au lundi), J+8 pour eux, J+9 en vrai (de
toutes façons on y serait pas allés le dimanche).
A ce stade, j'en étais plus à
« marcher, faire du ballon et manger épicé », j'étais
limite VAUDOU pour qu'il sorte tout seul !
Comme vous le voyez venir, lundi 10
mars 8h30, l'Homme, mon gros ventre et moi déposions l'Héritier à
l'école avec la valise dans le coffre pour aller déclencher
médicalement la naissance à l'hosto du coin, j'étais enthousiaste
comme un mec qui irait à l'échafaud.
Mais le Deuxième-Du-Nom farouchement
cramponné à son placenta refusait de se laisser expulser, ils m'ont
posé une perf censée déclencher le bouzin, qu'ils m'auraient collé
du glucose que ça aurait pas changé grand chose.
Donc plan B, comme quand l'Héritier
refuse de sortir du bain : tu vides la baignoire.
Je vous cache pas que subitement, il
s'est dit que tout compte fait il allait se laisser embrasser le
p'tit chéri, mais TOUT DE SUITE.
J'ai failli crever.
La perf a décidé de faire effet en
même temps que la rupture de la poche des eaux, la péridurale quant
à elle a décidé d'aller voir ailleurs si j'y étais (et je peux te
JURER que j'y étais pas), c'est bien simple, mon existence s'est
subitement réduite à la main de l'Homme que je broyais à chaque
contraction mais ME TOUCHE PAS BORDEL, la sage-femme bien sympa mais
TA GUEULE PUTAIN ARRÊTE DE ME PARLER, les contractions et c'est
tout.
Ah oui, mes cordes vocales aussi, j'ai
hurlé comme un porc qu'on égorge, hurlé, pleuré, me suis mouchée
sur le ballon, tout ce que tu veux, j'avais hésité à me maquiller
avant de partir, heureusement que j'ai changé d'avis en cours de
route, j'aurais eu l'air d'un panda sur les premières photos.
Bref, j'ai été déclenchée et la
péridurale a pas marché.
Ah oui j'y suis pas allée à vif de
mon plein gré, hein, je voulais pas de péridurale à la base (quand
t'accouches chez toi, la péri, hein...), quand j'ai voulu la péri
et que la sage-femme très gentille m'a dit « vous êtes sûre
de pas le regretter ? Vous vouliez faire sans me semble-t-il ?
On peut essayer d'autres techniques pour vous aider à faire sans »
je l'ai chopée par le col et lui ai dit « Écoutez, je ferai
pas sans pour la gloire, je VEUX une péri » fin de la
discussion.
J'ai failli crever (bis).
Mais je
l'ai fait.
Et à 18h54, j'ai tendu les bras pour
attraper mon fils. Un deuxième garçon. Qui sentait le paradis.
Recouvert de vernix. Doux, beau, tout rose et … Enorme, mon dieu,
ENOOOORME !
On s'est regardés avec l'Homme et on
s'est dit « mais putain il pèse combien ? »
Les sages-femmes l'ont regardé et nous
on dit « Oh là là »
La très gentille sage-femme qui m'a
assistée lors de la naissance de l'Héritier a croisé l'Homme en
salle de soins, l'a reconnu et est venue me saluer, elle m'a dit
« Vous savez combien il pèse ? » non, « Vous
voulez que je vous le dise ou vous laissez ça au papa ? »
Oh ben on va laisser le papa me l'annoncer « Vous allez être
surprise, félicitations et bonne soirée »
5,040kg. 55,5cm.
Vous allez rire, ma
première pensée a été « merde il pourra pas mettre la tenue
de naissance » (en fait si, il l'a mise. Une fois)
La
deuxième a été « merde il va falloir ranger le 1 mois et
sortir le 3 mois »
La troisième a été une immense
fierté d'avoir fait un tel bébé.
5 kilos bordel, 5 kilos !
Vous savez les gens qui vous disent
« oh là là c'est si petit, on oublie » bizarrement ils
nous l'ont pas dit. Nous non plus on a pas eu l'impression
d'ailleurs.
Bref.
Il est né (le divin enfant).
Enfin.
Le
P'tit est devenu le Grand.
J'ai une fierté immense à dire « mes
fils » « mes enfants ».
Ca fait deux mois que je
me dis que je vais finir par redescendre, que la fatigue va prendre
le dessus, je sais tellement à quel point c'était dur la première
fois, je me rappelle tellement de cette détresse, cet épuisement
physique, moral, de ce bébé si tendu, qui ne savait pas lâcher
prise... Et je ne redescends toujours pas.
Je mesure le chemin
parcouru en 4 ans et demi.
Je vois aujourd'hui mon tout petit
chaton si détendu, si cool, qui s'endort avec tellement de facilité,
tout est si simple, l'Héritier aime son petit frère à la folie, et
réclame même une petite sœur...
Alors oui je peux rien finir, à
peine je commence quelque chose mon tout petit m'appelle, oui il se
réveille la nuit et je suis fatiguée, oui je préférerais dormir
dans les bras de mon mec qu'en tête à tête avec mon bébé (qui
dort dans notre lit, entre moi et le mur mais je m'endors avant lui
lors des tétées nocturnes avec le traversin dans le dos, je dors
donc 90 % du temps face à mon Deuxième-Du-Nom, l'Homme
derrière mon traversin dans la 2è moitié du lit...), oui, parfois
j'aimerais me dédoubler pour prendre plus de temps pour l'Héritier,
ou juste prendre une douche de plus de 5mn, j'ai un bébé, quoi,
mais tout est simple cette fois, le « que du bonheur » on
en est pas loin, quand mon bébé me regarde avec ses grand yeux
d'amour, ça me fout le vertige tellement j'y lis un défi, un pari,
et une infinie confiance « prends soin de moi », si lors
des premiers mois de l'Héritier je me suis parfois demandé ce que
je foutais là, là je regarde mes enfants et j'ai la conviction
d'être là à ma place, entre eux deux, mes fils, leur papa, de
l'amour à plus savoir quoi en faire...
Et putain c'est beau j'te jure.