jeudi 15 mai 2014

10 mars 2014, 18h54

Bon, faut te dire que ce bébé n'était pas vraiment décidé à sortir...
Déjà, moi j'étais née 3 jours après terme (on va causer technique, on dit 41+3 because 41 semaines = terme théorique de la grossesse + 3 jours), l'Héritier aussi.

Mais je m'étais consciencieusement retourné le cerveau à coup d'auto-culpabilisation que je maîtrise quand même comme personne, en me disant que c'est ma faute si j'ai accouché aussi tardivement, c'est parce que j'avais peur de devenir mère, je l'ai empêché de sortir, ceci cela.
Bref, cherchez pas qui a tué Kennedy, j'avoue.

La guerre en Irak c'était moi aussi.
Là, autant vous dire qu'après 5 ans d'analyse dont 1 an ½ en binôme avec un 2è psy en plus de l'analyste (oui, je prends soin de mes névroses, les bichonne, les travaille,....), je me suis dit que là j'avais fait mon taf, que obligé j'allais accoucher avant pour celui-là puisque j'ai réglé mes casseroles, et que je m'étais convaincue que mon accouchement post terme était « de ma faute », je me voyais bien accoucher 10/15 jours avant terme.
(Oui vous pouvez rire, vous la voyez déjà venir la suite)

On s'était organisés un accouchement à domicile une fois de plus, histoire d'être peinards, pis pour tout vous dire, les 5 jours de soins intensifs nénonatalogiques que s'est cognés l'Héritier suite à une infection nosocomiale nous ont bien calmés de la sécurité hospitalière.
Et le temps passait...
Terme théorique 1er mars, je rentre pas dans les détails techniques et autres que ni toi ni personne n'a envie de savoir, mais j'étais certaine de la date du terme, aucun décalage possible, au point que quand l'échographe à la première échographie m'a affirmé que j'étais à 12+2 et non 11+6, j'ai fait modifier la déclaration de grossesse après coup, j'étais à 11+6, que sa machine le valide ou non.
Bon, je te prends pas la tête avec du suspense hitchcockien, il était pas né le 1er mars.
Je me suis retrouvée un peu bête, à ne pas comprendre pourquoi j'étais encore enceinte, sur le papier ça devait pas se passer comme ça.
Pis j'en avais un peu marre. Pis j'avais mal. Fatiguée, essoufflée, un ventre de malade, des vergetures-leurs-mères-les-putes-borgnes qui m'avaient été épargnées pour l'Héritier (coup de bol elles sont peu nombreuses et déjà quasiment blanches), il était temps.
La sage-femme me suivait jusqu'à 42 semaines, soit J+7. Ce qui tombait un samedi. Le protocole de l'hôpital prévoir de déclencher à 42 semaines, bonne synchronisation dans l'absolu. Sauf que... Sauf que je prévois pas d'accoucher dans mon pieu depuis 9 mois pour aller expulser de force mon lardon pas prêt à sortir dans une salle d'hôpital, bordel !

Déjà, ce qui est bien, c'est que l'hôpital s'est planté de date, ils m'ont fait gagner un jour, ça repousse le déclenchement au dimanche. C'est pas le Pérou mais c'est mieux que rien. Et aussi que face à la perfection des contrôles post terme, ils ont accepté de décaler le déclenchement d'un jour de plus (soit au lundi), J+8 pour eux, J+9 en vrai (de toutes façons on y serait pas allés le dimanche).
A ce stade, j'en étais plus à « marcher, faire du ballon et manger épicé », j'étais limite VAUDOU pour qu'il sorte tout seul !
Comme vous le voyez venir, lundi 10 mars 8h30, l'Homme, mon gros ventre et moi déposions l'Héritier à l'école avec la valise dans le coffre pour aller déclencher médicalement la naissance à l'hosto du coin, j'étais enthousiaste comme un mec qui irait à l'échafaud.
Mais le Deuxième-Du-Nom farouchement cramponné à son placenta refusait de se laisser expulser, ils m'ont posé une perf censée déclencher le bouzin, qu'ils m'auraient collé du glucose que ça aurait pas changé grand chose.
Donc plan B, comme quand l'Héritier refuse de sortir du bain : tu vides la baignoire.
Je vous cache pas que subitement, il s'est dit que tout compte fait il allait se laisser embrasser le p'tit chéri, mais TOUT DE SUITE.
J'ai failli crever.

La perf a décidé de faire effet en même temps que la rupture de la poche des eaux, la péridurale quant à elle a décidé d'aller voir ailleurs si j'y étais (et je peux te JURER que j'y étais pas), c'est bien simple, mon existence s'est subitement réduite à la main de l'Homme que je broyais à chaque contraction mais ME TOUCHE PAS BORDEL, la sage-femme bien sympa mais TA GUEULE PUTAIN ARRÊTE DE ME PARLER, les contractions et c'est tout.
Ah oui, mes cordes vocales aussi, j'ai hurlé comme un porc qu'on égorge, hurlé, pleuré, me suis mouchée sur le ballon, tout ce que tu veux, j'avais hésité à me maquiller avant de partir, heureusement que j'ai changé d'avis en cours de route, j'aurais eu l'air d'un panda sur les premières photos.
Bref, j'ai été déclenchée et la péridurale a pas marché.
Ah oui j'y suis pas allée à vif de mon plein gré, hein, je voulais pas de péridurale à la base (quand t'accouches chez toi, la péri, hein...), quand j'ai voulu la péri et que la sage-femme très gentille m'a dit « vous êtes sûre de pas le regretter ? Vous vouliez faire sans me semble-t-il ? On peut essayer d'autres techniques pour vous aider à faire sans » je l'ai chopée par le col et lui ai dit « Écoutez, je ferai pas sans pour la gloire, je VEUX une péri » fin de la discussion.

J'ai failli crever (bis).
Mais je l'ai fait.

Et à 18h54, j'ai tendu les bras pour attraper mon fils. Un deuxième garçon. Qui sentait le paradis. Recouvert de vernix. Doux, beau, tout rose et … Enorme, mon dieu, ENOOOORME !
On s'est regardés avec l'Homme et on s'est dit « mais putain il pèse combien ? »
Les sages-femmes l'ont regardé et nous on dit « Oh là là »
La très gentille sage-femme qui m'a assistée lors de la naissance de l'Héritier a croisé l'Homme en salle de soins, l'a reconnu et est venue me saluer, elle m'a dit « Vous savez combien il pèse ? » non, « Vous voulez que je vous le dise ou vous laissez ça au papa ? » Oh ben on va laisser le papa me l'annoncer « Vous allez être surprise, félicitations et bonne soirée »
5,040kg. 55,5cm.
Vous allez rire, ma première pensée a été « merde il pourra pas mettre la tenue de naissance » (en fait si, il l'a mise. Une fois)
La deuxième a été « merde il va falloir ranger le 1 mois et sortir le 3 mois »

La troisième a été une immense fierté d'avoir fait un tel bébé.
5 kilos bordel, 5 kilos !
Vous savez les gens qui vous disent « oh là là c'est si petit, on oublie » bizarrement ils nous l'ont pas dit. Nous non plus on a pas eu l'impression d'ailleurs.
Bref.
Il est né (le divin enfant).
Enfin.
Le P'tit est devenu le Grand.
J'ai une fierté immense à dire « mes fils » « mes enfants ».
Ca fait deux mois que je me dis que je vais finir par redescendre, que la fatigue va prendre le dessus, je sais tellement à quel point c'était dur la première fois, je me rappelle tellement de cette détresse, cet épuisement physique, moral, de ce bébé si tendu, qui ne savait pas lâcher prise... Et je ne redescends toujours pas.
Je mesure le chemin parcouru en 4 ans et demi.

Je vois aujourd'hui mon tout petit chaton si détendu, si cool, qui s'endort avec tellement de facilité, tout est si simple, l'Héritier aime son petit frère à la folie, et réclame même une petite sœur...
Alors oui je peux rien finir, à peine je commence quelque chose mon tout petit m'appelle, oui il se réveille la nuit et je suis fatiguée, oui je préférerais dormir dans les bras de mon mec qu'en tête à tête avec mon bébé (qui dort dans notre lit, entre moi et le mur mais je m'endors avant lui lors des tétées nocturnes avec le traversin dans le dos, je dors donc 90 % du temps face à mon Deuxième-Du-Nom, l'Homme derrière mon traversin dans la 2è moitié du lit...), oui, parfois j'aimerais me dédoubler pour prendre plus de temps pour l'Héritier, ou juste prendre une douche de plus de 5mn, j'ai un bébé, quoi, mais tout est simple cette fois, le « que du bonheur » on en est pas loin, quand mon bébé me regarde avec ses grand yeux d'amour, ça me fout le vertige tellement j'y lis un défi, un pari, et une infinie confiance « prends soin de moi », si lors des premiers mois de l'Héritier je me suis parfois demandé ce que je foutais là, là je regarde mes enfants et j'ai la conviction d'être là à ma place, entre eux deux, mes fils, leur papa, de l'amour à plus savoir quoi en faire...


Et putain c'est beau j'te jure.